Question :
Nous sommes un groupe d’étudiants en sciences islamiques. Nous voulons vous questionner sur une affaire délicate sujette à polémique chez nous, il s’agit du fait d’insulter Allâh Le Tout-Puissant – qu’Allâh nous en préserve. Mais avant de vous soumettre la question, nous posons cette introduction :
Ce crime immonde est fort répandu chez nous depuis longtemps. Petits et grands s’y sont accoutumés, excepté ceux auxquels Allâh a fait miséricorde. Ainsi, quand une dispute éclate, les gens profèrent des insultes contre Allâh, voire des propos encore plus graves, même de la part de ceux qui prient assidument. Quand on les interpelle, une fois leur colère dissipée, ils disent qu’ils regrettent leurs propos, qu’ils n’avaient pas l’intention d’insulter Allâh عزّ وجلّ, mais qu’ils ont pris l’habitude de blasphémer depuis tout petits.
Nous souhaitons une réponse détaillée de votre part concernant le jugement d’insulter Allâh عزّ وجلّ. Qu’Allâh vous bénisse.
Réponse :
Louange à Allâh, Seigneur des Mondes ; et prière et salut sur celui qu’Allâh عزّ وجلّ a envoyé en miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection. Cela dit :
L’insulte est un juron. C’est toute parole répréhensible induisant au rabaissement et au dénigrement. Elle est déterminée par l’usage. Ainsi, ce qui est considéré par les gens comme étant une insulte, un manquement, un défaut ou une diffamation est une insulte.
Celui qui blasphème contre Allâh عزّ وجلّ, volontairement, sans contrainte, que ce soit sérieusement ou pour plaisanter, est, selon l’avis unanime des ulémas : un mécréant et un apostat. C’est l’une des plus abominables paroles qui rend mécréant celui qui la profère et annule la foi. Le blasphémateur devient mécréant en apparence et en son for intérieur chez les gens de la Sounna et du Groupe, qui pensent que la foi comprend les paroles et les actes.
Ibn ‘Abd Al-Barr Al-Mâlikî a rapporté dans At-Tamhîd ces paroles de Ishâq Ibn Râhawayh : « Les savants sont unanimes pour dire qu’est mécréant celui qui insulte Allâh عزّ وجلّ, insulte son Messager ﷺ, réfute une révélation d’Allâh ou tue un Prophète d’Allâh même s’il croit en la Révélation. » (1)
De même, Al-Qâdî ‘Iyyâd Al-Mâlikî a dit : « Il n’y a pas de divergence que le blasphémateur est mécréant et que son sang est licite à répandre. On a divergé sur le fait de lui demander de se repentir. » (2)
Ibn Qoudâma Al-Maqdişi Al-Hanbalî a dit : « Quiconque insulte Allâh a mécru, qu’il soit sérieux ou qu’il plaisante. » (3)
Ibn Taymiyya, quant à lui, a dit : « Certes, insulter Allâh ou Son Messager est une mécréance, en apparence et dans le for intérieur. Que le blasphémateur croie que cela est illicite, qu’il considère cet acte licite ou qu’il soit distrait de sa croyance. Ceci est la doctrine des jurisconsultes (Al-Fuqahâ‘) et de tous les gens de la Sounna qui disent que la foi comprend les paroles et les actes. » (4)
Cela parce qu’il y a dans le blasphème contre Allâh عزّ وجلّ un manquement à Son égard, un outrage, un rabaissement, une atteinte, une outrance et une rébellion contre Le Seigneur des mondes. Tout cela jaillit d’une âme satanique emplie de colère, ou d’une personne vile qui n’a aucune révérence envers Allâh. Ainsi, son état est pire que celui du mécréant. Car, le blasphémateur montre le manquement et manifeste de l’inimitié à outrance et exagère dans la contrariété. Tandis que le mécréant vénère le Seigneur et croit que la fausse religion à laquelle il adhère n’est ni une offense ni une injure contre Allâh.
D’un autre côté, le blasphémateur est dans une situation pire que le persifleur d’Allâh, de Ses versets et de Son Messager, car, se moquer d’Allâh est une mécréance conformément au verset dans lequel Allâh عزّ وجلّ dit :
﴿وَلَئِن سَأَلۡتَهُمۡ لَيَقُولُنَّ إِنَّمَا كُنَّا نَخُوضُ وَنَلۡعَبُۚ قُلۡ أَبِٱللَّهِ وَءَايَٰتِهِۦ وَرَسُولِهِۦ كُنتُمۡ تَسۡتَهۡزِءُونَ ٦٥ لَا تَعۡتَذِرُواْ قَدۡ كَفَرۡتُم بَعۡدَ إِيمَٰنِكُمۡۚ إِن نَّعۡفُ عَن طَآئِفَةٖ مِّنكُمۡ نُعَذِّبۡ طَآئِفَةَۢ بِأَنَّهُمۡ كَانُواْ مُجۡرِمِينَ ٦٦﴾ [التوبة].
﴾Si tu les interroges, ils diraient très certainement : « Vraiment, nous ne faisons que bavarder et jouer. » Dis : « Est-ce d’Allâh, de Ses versets et de Son Messager que vous vous moquiez ? » Ne vous excusez pas : vous avez bel et bien rejeté la foi après avoir cru. Si Nous pardonnons à une partie des vôtres, Nous en châtierons une autre pour avoir été des criminels.﴿ [s. At-Tawba (le Repentir) : v. 65-66].
Cela dit, si la plaisanterie est une mécréance, l’insulte intentionnelle l’est à plus forte raison. Le verset montre l’égalité du sérieux et de la plaisanterie dans la prononciation de la parole de mécréance.
Dans ce sens, Ibn Al-‘Arabî Al-Mâlikî dit : « Ce que les hypocrites ont dit est : soit du sérieux, soit des plaisanteries. Cela est une mécréance quoi qu’il en soit. Car plaisanter avec la mécréance est une mécréance, sans divergence en cela entre la communauté. Certes, le sérieux est l’équivalent de la vérité et de la science, et la plaisanterie est l’équivalent du faux et de l’ignorance. » (5)
En fait, le fondement de la religion est édifié sur la glorification et l’égard profond envers Allâh عزّ وجلّ, et la vénération de Sa religion et de Ses Messagers. Ainsi, du moment que la plaisanterie contre un de ces aspects annule ce fondement et s’y oppose, l’insulte l’annule donc à plus forte raison. Cette dernière comporte une part de plus par rapport à la mécréance. Ceci parce qu’Allâh a interdit aux musulmans d’insulter les idoles afin que les polythéistes n’insultent pas Allâh عزّ وجلّ alors qu’ils persistent dans leur polythéisme, leur reniement et leur inimitié contre Son Messager, et ce dans Sa Parole عزّ وجلّ :
﴿وَلَا تَسُبُّواْ ٱلَّذِينَ يَدۡعُونَ مِن دُونِ ٱللَّهِ فَيَسُبُّواْ ٱللَّهَ عَدۡوَۢا بِغَيۡرِ عِلۡمٖ﴾ [الأنعام: 108].
Sens du verset :
﴾N’injuriez pas ceux qu’ils invoquent, en dehors d’Allâh, car par agressivité, ils injurieraient Allâh, dans leur ignorance.﴿ [s. Al-An‘âm (les Bestiaux) : v. 108].
De ce fait, il apparait qu’injurier Allâh عزّ وجلّ est plus grave que le polythéisme, le reniement et l’inimitié contre Son Messager ﷺ.
Ibn Taymiyya a dit dans As–Sârim Al-Masloûl : « Ne vois-tu pas que Qouraïch avait approuvé le Prophète ﷺ, sur ce qu’il disait de l’unicité et de l’adoration d’Allâh Seul, mais ils ne l’approuvaient pas sur le fait qu’il abominait leurs idoles, récriminait leur religion et critiquait leurs pères. Et Allâh a interdit aux musulmans d’injurier les idoles afin que les polythéistes n’insultent pas Allâh alors qu’ils persistaient dans leur polythéisme. Ainsi, on sait que le péché d’insulter Allâh est plus grave que celui de le renier. » (6)
Le repentir est l’unique démarche acceptée par Allâh pour effacer le péché de mécréance. Le pécheur est tenu de revenir vers Allâh, de s’écarter de la voie de ceux qui ont encouru Sa colère et des égarés. Allâhعزّ وجلّ accepte le repentir de tout péché : le polythéisme et ce qui lui est inférieur. Allâh عزّ وجلّ dit :
﴿قُلۡ يَٰعِبَادِيَ ٱلَّذِينَ أَسۡرَفُواْ عَلَىٰٓ أَنفُسِهِمۡ لَا تَقۡنَطُواْ مِن رَّحۡمَةِ ٱللَّهِۚ إِنَّ ٱللَّهَ يَغۡفِرُ ٱلذُّنُوبَ جَمِيعًاۚ إِنَّهُۥ هُوَ ٱلۡغَفُورُ ٱلرَّحِيمُ ٥٣﴾ [الزُّمَر].
Sens du verset :
﴾Dis : « Ô Mes serviteurs qui avez commis des excès à votre propre détriment, ne désespérez pas de la miséricorde d’Allâh. Car Allâh pardonne tous les péchés. Oui, c’est Lui Le Pardonneur, Le Très-Miséricordieux.﴿ [s. Az-Zoumar (les Groupes) : v. 53] ; Allâh عزّ وجلّ dit aussi :
﴿قُل لِّلَّذِينَ كَفَرُوٓاْ إِن يَنتَهُواْ يُغۡفَرۡ لَهُم مَّا قَدۡ سَلَفَ﴾ [الأنفال: 38].
Sens du verset :
﴾Dis à ceux qui ne croient pas que, s’ils cessent, on leur pardonnera ce qui s’est passé﴿ [s. Al-Anfâl (le Butin) : v. 38].
Il est de la condition du repentir que le serviteur le voue purement à Allâh, Le Très-Haut, qu’il ressente du remord, qu’il ne persiste pas dans le péché, qu’il se détermine à ne plus jamais le commettre, enfin que son repentir se fasse dans un temps où il sera profitable (7).
Cependant, s’il insulte Allâh عزّ وجلّ alors qu’il est inconscient, comme quelqu’un qui prononce la parole de la mécréance tout en étant dans un état de forte colère, ne sachant pas ce qu’il dit et ne le saisissant pas, et si on le rappelle, il ne se rappelle pas et ne le réalise pas, ou quand la parole de la mécréance provient de lui alors qu’il est dans un état de folie, d’évanouissement, ou de perte de connaissance, ou s’il la prononce par erreur sans attention ni intention, cela constitue un empêchement contre le fait de juger mécréante cette personne spécifique, et ce vu que son cœur est altéré. Car, toutes les paroles et les attitudes sont conditionnées par la présence du discernement et de la raison. Ainsi, celui qui ne possède ni discernement ni raison, religieusement, ses paroles ne sont pas considérées, tel que le Prophète صلّى الله عليه وآله وسلّم a dit : « Eh bien, il y a dans le corps humain un organe qui, s’il est sain, rend tout le corps sain ; mais s’il est corrompu, tout le corps devient corrompu. Il s’agit du cœur. »(8) Et vu la parole de l’homme qui était sous l’effet d’une grande joie : « Ô Allâh ! Tu es mon serviteur et je suis ton Seigneur. » Le Prophète ﷺ a dit : « Il s’est trompé à cause de l’intensité de sa joie. » (8) Cette personne a parlé sans intention ni volonté ; on ne lui en tiendra donc pas rigueur, conformément à Sa Parole عزّ وجلّ :
﴿لَا يُؤَاخِذُكُمُ ٱللَّهُ بِٱللَّغۡوِ فِيٓ أَيۡمَٰنِكُمۡ وَلَٰكِن يُؤَاخِذُكُم بِمَا عَقَّدتُّمُ ٱلۡأَيۡمَٰنَ﴾ [المائدة: 89].
Sens du verset :
﴾Allâh ne vous sanctionne pas pour la frivolité dans vos serments, mais Il vous sanctionne pour les serments que vous avez l’intention d’exécuter﴿ [Al-Mâ’ida (la Table Servie), v. 89].
Et Sa Parole عزّ وجلّ :
﴿وَلَيۡسَ عَلَيۡكُمۡ جُنَاحٞ فِيمَآ أَخۡطَأۡتُم بِهِۦ وَلَٰكِن مَّا تَعَمَّدَتۡ قُلُوبُكُمۡۚ وَكَانَ ٱللَّهُ غَفُورٗا رَّحِيمًا ٥﴾ [الأحزاب].
Sens du verset :
﴾Nul blâme sur vous pour ce que vous faites par erreur, mais (vous serez blâmés) pour ce que vos cœurs font délibérément﴿ [s. Al-Ahzâb (les Coalisés), v. 5].
Dans ces situations exceptionnelles, il est établi que celui qui tombe dans la mécréance, cela n’implique pas la survenue de la mécréance sur la personne qui a prononcé la parole de mécréance, et ce, vu la présence d’un facteur qui empêche que la mécréance de s’établir à la base ; contrairement à celui dont la mécréance s’établit contre lui à cause de l’inexistence d’un empêchement. Car certes, la repentance exclut l’établissement de la mécréance contre lui après qu’il s’en est repenti.
Le savoir parfait appartient à Allâh, et notre dernière invocation est qu’Allâh, Seigneur des Mondes, soit loué et que prière et salut soient sur notre Prophète, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection.
Alger, le 22 Al-Mouharram 1428 H.
correspondant au 10 février 2007 G.
(1) Voir : « At-Tamhîd » d’Ibn ‘Abd Al-Barr (4/226).
(2) Voir : « Ach-Chifâ » d’Al-Qâdî ‘Iyâd (2/229).
(3) Voir : « Al-Moughnî » d’Ibn Qoudâma (10/103).
(4) Voir : « As–Sârim Al-Masloûl » d’Ibn Taïmiya (512).
(5) Voir : «Ahkâm Al-Qur’ân » d’Ibn Al-‘Arabî (2/976).
(6) Voir : « As–Sârim Al-Masloûl » d’Ibn Taïmiya (557).
(7) Le repentir n’est point accepté dans les trois cas suivants :
Le premier : quand l’âme arrive à la gorge et la mort survient, Allâh عزّ وجلّ dit :
﴿وَلَيۡسَتِ ٱلتَّوۡبَةُ لِلَّذِينَ يَعۡمَلُونَ ٱلسَّئَِّاتِ حَتَّىٰٓ إِذَا حَضَرَ أَحَدَهُمُ ٱلۡمَوۡتُ قَالَ إِنِّي تُبۡتُ ٱلۡـَٰٔنَ وَلَا ٱلَّذِينَ يَمُوتُونَ وَهُمۡ كُفَّارٌ﴾ [النساء: 18].
Sens du verset :
﴾Mais l’absolution n’est point destinée à ceux qui font de mauvaises actions jusqu’au moment où la mort se présente à l’un d’eux, et qui s’écrient : « Certes, je me repens maintenant » – non plus pour ceux qui meurent mécréants﴿ [s. An-Nişâ’(les Femmes) : v. 18]. Le Prophète ﷺ dit : « Certes, Allâh accepte le repentir du serviteur du moment qu’il n’agonise pas. » [Rapporté par At-Tirmidhî, selon sa version (3537), par Ibn Mâdjah (4253), par Ibn Hibbân (628), par Al-Hâkim (7659) et Ahmad (6160). [D’après Ibn ‘Omar رضي الله عنهما. Ce hadith est jugé authentique par Ahmad Châkir dans sa recension de Mousnad Ahmad (9/18) et jugé Haşane (bon) par Al-Albâni dans Sahîh Al-Djâmi‘ (1903)].
Le deuxième : quand le châtiment survient, Allâh عزّ وجلّ dit :
﴿فَلَمَّا رَأَوۡاْ بَأۡسَنَا قَالُوٓاْ ءَامَنَّا بِٱللَّهِ وَحۡدَهُۥ وَكَفَرۡنَا بِمَا كُنَّا بِهِۦ مُشۡرِكِينَ ٨٤ فَلَمۡ يَكُ يَنفَعُهُمۡ إِيمَٰنُهُمۡ لَمَّا رَأَوۡاْ بَأۡسَنَاۖ سُنَّتَ ٱللَّهِ ٱلَّتِي قَدۡ خَلَتۡ فِي عِبَادِهِۦ﴾ [غافر: 84 ـ 85].
Sens du verset :
﴾Puis, quand ils virent Notre rigueur ils dirent : « Nous croyons en Allâh Seul, et nous renions ce que nous Lui donnions comme associés ». Mais, leur croyance, au moment où ils eurent constaté Notre rigueur, ne leur profita point ; telle est la règle d’Allâh envers Ses serviteurs dans le passé﴿ [s. Ghâfir (le Pardonneur), v. 84-85].
Le troisième : quand le soleil s’élève de l’ouest, le repentir n’est pas accepté à ce moment ; Allâh عزّ وجلّ dit :
﴿يَوۡمَ يَأۡتِي بَعۡضُ ءَايَٰتِ رَبِّكَ لَا يَنفَعُ نَفۡسًا إِيمَٰنُهَا لَمۡ تَكُنۡ ءَامَنَتۡ مِن قَبۡلُ أَوۡ كَسَبَتۡ فِيٓ إِيمَٰنِهَا خَيۡرٗا﴾ [الأنعام: 158].
Sens du verset :
﴾Le jour où certains signes de ton Seigneur viendront, la foi en Lui ne profitera à aucune âme qui n’avait pas cru auparavant ou qui n’avait acquis aucun mérite de sa croyance.) [Al-An‘âm (les Bestiaux), v. 158] ;
Et il est cité dans un hadith : « L’heure ne survient pas jusqu’à ce que le soleil se lève de l’ouest, s’il se lève et que les gens le voient, ils croiront tous, et cela est le moment où personne ne profitera de sa foi », ensuite il a cité le verset précédent.
(8) Rapporté par Al-Boukhârî (52) et par Mouslim (1599 et 2747).