La question :
Quel est le jugement concernant les chants islamiques ? Et est-ce qu’il est permis de les utiliser comme moyen dans la prédication ?
La réponse :
Louange à Allah, Maître des Mondes; et paix et salut sur celui qu’Allah عزّ وجلّ a envoyé en miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection. Ceci dit :
Premièrement, il est important de souligner que le fait d’attribuer le qualificatif islamique ou religieux aux chants qui contiennent des poèmes ou des vers composés en Radjaz(1) est une chose qui n’était connue ni par les gens des trois siècles préférés, ni par ceux qui leur ont succédé. Cependant, ces gens-là distinguaient le bon poème du mauvais, le louable du blâmable et ce qui est détestable de ce qui est autorisé.
En effet, il n’y a ni empêchement ni interdiction par rapport aux chants qui sont formés de poèmes ou de vers composés en Radjaz que l’on chante d’une voix mélodieuse pour manifester la joie ou pour parcourir les longs trajets de voyage ou pour se distraire, et qui contiennent des exhortations et des maximes sans qu’ils soient accompagnés de musique et d’instruments musicaux, excepté Ed-Douf(2) dans le jour de l’Aïd et dans les fêtes de mariage, et qui sont dépourvus de toute obscénité et indécence excitant le désire et poussant à commettre la fornication, et qui sont aussi dépourvus de toute description des attraits de la femme ou du vin et de l’encouragement à le boire, et dont les poèmes ne contiennent aucune association des autres divinités à Allah عزّ وجلّ et aucun mensonge au sujet d’Allah عزّ وجلّ, de Son Messager ﷺ et de ses Compagnons رضي الله عنهم.
Cependant, il n’est pas recommandé, voire méprisable d’en faire un usage abusif ; car toute chose permise n’est pas permise d’une façon absolue ; notamment si ces chants détournent les gens qui les écoutent de la lecture du Coran, de l’acquisition du savoir bénéfique et de la prédication au sentier d’Allah le tout Suprême.
Effectivement, le Prophète ﷺ a approuvé l’usage du poème, des vers composés en Radjaz et d’El-Houdâ‘. À ce sujet, El-Boukhâri a consacré un chapitre et l’a intitulé : « Chapitre concernant ce qui est permis et ce qui est détesté des poèmes, des vers composés en Radjaz et d’El-Houdâ’ »(3). Il est authentiquement rapporté qu’El-Barâ’ Ibn Mâlik رضي الله عنه distrayait les hommes en chantant pour eux, et Andjacha رضي الله عنه distrayait les femmes en chantant pour elles ; ce dernier avait une très belle voix, alors une fois le Prophète ﷺ lui a dit : « Ô Andjacha, fais attention en menant les femmes »(4). Généralement, El-Houdâ’ se fait par des vers composés en Radjaz, ou par d’autres mètres prosodiques. El-Houdâ’ est une sorte de chant, pareil au chant des voyageurs ou le chant d’épuisement. En outre, Ibn `Abd El-Bar a rapporté que toutes les formes de chant susmentionnées sont permises sans qu’il y ait une divergence d’opinions entre les Ulémas à leur sujet, mais à condition que le poème dont les chants sont composés ne contienne pas des propos vulgaires et indécents.
Pour ce qui est des chants que l’on qualifie d’islamiques qui se font en chantant des poèmes avec des tons mélodieux pour provoquer de la réjouissance dans les cercles d’invocations ou autres, et qui peuvent être accompagnés d’instruments de musique tels qu’Ed-Douf, le tambour, les bâtons et autres; tout cela ressemble au Taghbîr qui fut condamné par Ech-Châfi`i, par Ahmed et par les anciens Ulémas. Il est authentiquement rapporté qu’Ech-Châfi`i a dit : « J’ai laissé en Iraq une chose qu’on appelle Et-Taghbîr, inventé par les apostats pour occuper les gens et les détourner du Coran ». Il est aussi authentiquement rapporté qu’Ahmed a dit à propos de ce sujet : « C’est une hérésie innovée ».
Du reste, il suffit que les quatre grandes Écoles(5) sont unanimes à ce que les instruments de musique sont absolument interdits sauf ce qui est excepté à l’appui d’une preuve, à savoir l’utilisation d’Ed-Douf dans les fêtes de mariage et dans les deux Aïds. En effet, plusieurs textes mentionnés dans le Coran et dans la tradition prophétique désapprouvent et interdisent l’usage des instruments de musique (6). Parmi ces textes, nous citons le hadith du Prophète ﷺ : « Deux sons sont maudits : le son d’une flûte lorsqu’on est dans l’aisance et le son d’une lamentation lors d’une calamité »(7) ainsi que le hadith dans lequel le Prophète ﷺ a dit : « Il y aura dans ma communauté des gens qui s’autoriseront la fornication, le port de vêtements en soie, la consommation du vin et l’usage des instruments de musique »(8) et plein d’autres preuves dans la Charia.
Par ailleurs, il n’est une personne raisonnable qui ignore que l’usage des chansons et de l’amusement comme un moyen de prédication n’est pas permis dans la Charia ; car, s’appliquer dans la prédication [au sentier d’Allah عزّ وجلّ] sans savoir les jugements et les preuves sur lesquelles cette prédication repose est considéré comme le fait de suivre la passion et la prendre pour juge. Effectivement, un acte pareil ne peut être que rejeté, étant donné qu’il n’est pas permis de contrevenir au jugement de la Charia par rapport aux méthodes, aux fins et aux moyens qu’on adopte dans la prédication [au sentier d’Allah عزّ وجلّ] ; Allah عزّ وجلّ dit :
﴿ثُمَّ جَعَلْنَاكَ عَلَى شَرِيعَةٍ مِّنَ الْأَمْرِ فَاتَّبِعْهَا وَلَا تَتَّبِعْ أَهْوَاء الَّذِينَ لَا يَعْلَمُونَ﴾ [الجاثية : 18].
Traduction du sens du verset :
﴾Puis Nous t’avons mis sur la voie de l’Ordre [une religion claire et parfaite]. Suis-la donc et ne suis pas les passions de ceux qui ne savent pas﴿ [El-Djâthia (L’Agenouillée) : 18].
De plus, le Prophète ﷺ dit : « Quiconque accomplit un acte [religieux] que nous n’avons pas ordonné le verra rejeté »(9).
En conséquence, les moyens qu’on emploie dans la prédication doivent être en accord avec les textes de la Charia dont le sens est général ou spécifique, et avec les règles générales de la Charia. Du reste, si ce moyen, à savoir l’usage des chansons dans la prédication, est lié à des fins sectaires ou tend à servir les intentions de certains partis ou de certaines régions ; ces chansons seront interdites relativement à leur dépendance, car les voies qui mènent aux choses interdites et détestées sont liées à elles par rapport au jugement, tel qu’il est mentionné dans la règle : « Lorsqu’une chose est interdite, les moyens qui mènent inévitablement à elle le sont aussi ». Également, si les chansons représentent le symbole d’un groupe donné, ayant une tendance doctrinale à laquelle il appelle les gens, ou que ce groupe suive-t-il une tendance sectaire ou propre à un parti ; dans ce cas, ce moyen sera interdit puisqu’il est relié à un aspect interdit. Pour ce, le Prophète ﷺ a renoncé à l’utilisation de la trompe pour faire l’appel à la prière vu que cet instrument est le symbole des juifs, et a aussi délaissé l’usage de la cloche parce qu’elle est le symbole des chrétiens, comme il s’était abstenu d’allumer le feu vu que c’est l’emblème des mages(10).
Le savoir parfait appartient à Allah عزّ وجلّ, et notre dernière invocation est qu’Allah, Seigneur des Mondes, soit Loué et que paix et salut soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection.
Alger, le 1 Safar 1427 H
Correspondant au 1 mars 2006 G
(1) L’un des mètres prosodiques dans la poésie arabe. Note du traducteur.
(2) Instrument musical, genre de tambour. Note du traducteur.
(3) Voir : « Sahîh El-Boukhâri » (10/627), chapitre de « La bienséance », partie numéro : 90.
(4) Rapporté par Ahmed (hadith 14020) et par El-Beyhaqi (hadith 21563) par l’intermédiaire de Anas Ibn Mâlik رضي الله عنه. Ce hadith est jugé authentique par El-Albâni dans « Es-Silsila Es-Sahîha » (hadith 3205).
(5) C’est-à-dire : l’École Hanafite, l’École Malikite, l’École Chaféite et l’École Hanbalite. Note du traducteur.
(6) Cheikh El-Albâni a publié une épître, dans laquelle il a réfuté l’avis d’Ibn Hazm, et ceux qui le suivent, qui voient que l’utilisation des instruments musicaux est licite. Cette épître est excellente sur le plan de l’authenticité des preuves et de la réfutation.
(7) Rapporté par El-Bazzâr (1/377/395). Ce hadith est jugé authentique par Ibn El-Qayyim dans « Mas’alat Es-Samâ` » (page 318). D’autre part, El-Albâni l’a jugé Hassane (bon) dans « Es-Silsila Es-Sahîha » (hadith 427).
(8) Rapporté par El-Boukhâri sans mentionner sa chaîne de narration (hadith 5590). Néanmoins, Ibn Hibbâne l’a rapporté en mentionnant sa chaîne de narration (hadith 6719). Il est aussi rapporté par Et-Tabarâni (1/167/1) et par El-Beyhaqi (hadith 6317) par l’intermédiaire d’Abou Mâlik El-Ach`ari رضي الله عنه. Voir « Es-Silsila Es-Sahîha » d’El-Albâni (1/186).
(9) Rapporté par Mouslim, chapitre des « Sentences » (hadith 4590), par Ahmed (hadith 25870) et par Ed-Dâraqoutni dans ses « Sounane » (hadith 4593) par l’intermédiaire de`Â’icha رضي الله عنها.
(10) Rapporté par Abou Dâwoûd, chapitre de « La prière » concernant le commencement de l’Adhâne (l’appel à la prière) (hadith 498) et par El-Beyhaqi dans « Es-Sounane El-Koubrâ » (hadith 1873) par l’intermédiaire d’Abou `Oumayr Ibn Anas رضي الله عنه selon l’un de ses oncles appartenant à El-Ansâr. Ce hadith est jugé Hassane (bon) par Ibn `Abd El-Bar dans « Et-Tamhîd » (21/24), par El-Albâni dans « Sahîh Abi Dâwoûd » (1/98) et par El-Wâdi`idans « Es-Sahîh El-Mousnad » (hadith 1529).